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Deux ans


Deux ans que ce site existe. Quelques réflexions venues en marchant.

Demain, 90 % des photos seront vues sur écran. Autant le papier préserve ses atouts pour la lecture, autant l’écran lui dame le pion pour l’image. A quoi s’ajoute le fait que la reproduction sur papier courant ne semble plus devoir progresser beaucoup, ce qui n’est pas le cas de la reproduction sur écran.

Restera aux cimaises le beau tirage photographique sur des papiers de qualité : baryté pour le noir et blanc, Cibachrome – j’espère – pour la couleur et autres supports adaptés au jet d’encre. Là, il y a encore à explorer.

Internet révolutionne l’usage et la consommation des photos. Ses effets sont aussi contrastés qu’un tirage au trait.

Pour le créateur, c’est la liberté : la manière la plus simple et la plus directe de montrer ses images à un public large et varié. Pour peu que la thématique des photos soit bien référencée sur les moteurs de recherche, l’auteur est assuré que ses photos seront vues. Ils peut même recevoir la critique en direct, via un forum. En quelques clics, il s’affranchit des contraintes matérielles et économiques qu’oppose par nature tout diffuseur.

Pour l'auteur, c'est la ruine. Les droits d’auteur volent en éclat : rien ne semble pouvoir freiner la libre et gratuite circulation mondiale des images. Pire : l’écriture photographique elle même est affectée. Internet ne distingue pas la photo de circonstance du travail soigné d’un professionnel. Internet se focalise sur ce qui est représenté au détriment de la façon dont cette représentation est organisée en image.

Probablement dans notre monde actuel se prend-il chaque jour plus de photos qu’il ne s’écrit de lettres. Le nombre quotidien de déclenchements d’appareils de prise de vues, à la volée, dans n'importe quelles conditions est faramineux, vertigineux si l’on songe au matériel et aux efforts que devaient déployer les pionniers pour tirer une photo, il y a moins de deux siècles, si l’on songe au soin avec lequel ils composaient leur image. On peut se désespérer ou au contraire penser que de la masse jaillira une culture de l’image, pour peu que des efforts de formation soient fait en ce sens, notamment au niveau de l’éducation des jeunes. La sémantique de l’image et son usage social restent largement à décrypter.

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Le droit d’auteur remonte à Beaumarchais, à une époque où il était facile de quantifier le succès des œuvres au vu du tiroir-caisse des théâtres qui les représentaient. Le droit d’auteur est devenu complexe, lointain et dans beaucoup de cas ingérable. En revanche, il est anormal que dans un pays comme la France, il n’existe pas un réel statut professionnel de photographe qui ne soit ni celui du journaliste ni celui d’artisan en boutique ni celui d’opérateur de prise de vues. Un photographe, qu’il soit salarié ou indépendant doit pouvoir se prévaloir d’un statut professionnel propre, sanctionné par une formation, qui lui permette d’être reconnu comme tel par ses clients ou employeurs.

Dit de manière schématique, le photographe doit être payé pour son travail – en amont de l’image – avant de courir – en aval – après des droits d’auteur qui, trop souvent, se perdent dans les sables. Au risque de choquer, eu égard à l’explosion des formes photographiques et à la vulgarisation grandissante des technologies, je crois que ce que ce qui distingue l’amateur – ou l’artiste – du professionnel, ce n’est pas tant la qualité des images produites que la capacité à répondre au besoin précis d’un client.

Après quoi, la question du marché de la photographie se poserait en des termes différents. Il y aura toujours des acheteurs pour la photo du Concorde en feu. Il y aura toujours des clients et des collectionneurs pour acquérir des tirages photographiques que d'aucuns décrieront. Le marché du fait divers comme le marché de l’art échappent à l’économie ordinaire. Il est important que le photographe ne doive pas sa retraite aux aléas de ces marchés mais aux cotisations qu’il a versé sur son travail. La profession s’en trouverait certainement rassérénée.

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Pour des raisons d’économie, j’ai troqué l’argentique pour le numérique. Les technologies passent, la photographie demeure. Assez curieusement, le numérique permet un retour en arrière que je trouve assez salutaire. L’usage de la diapositive pour la reproduction d’imprimerie, avec le développement des journaux et des affiches en couleurs, a obligé le photographe à finaliser son image dès la prise de vue : temps de pose rigoureux, gestion précise du contraste et de la colorimétrie. Le photograveur reproduisait l’Ekta à l’identique.

Le numérique permet de finaliser l’image en deux temps : prise de vue puis traitement du fichier, comme on tirait un négatif sous l’agrandisseur. Cela pose des problèmes pour l’organisation du temps de travail des professionnels. A terme, cela devrait se traduire par une amélioration qualitative des images.

J’ai choisi un petit appareil numérique, le Lumix LX3 qui me change du bel Hasselblad X pan. Il me semble évident que la production des appareils photos numériques demeure encore largement marquée par l’ère du 24 X 36. L’invention, notamment dans le domaine de l’ergonomie n’est pas vraiment au rendez-vous. Rappelons-nous que Leica s’est imposé par la commodité, la compacité et le silence des ses appareils à une époque où la photo sur plaque de verre n’avait pas encore totalement disparue.

Fabricants, faites un Lumix un peu plus grand avec un capteur plus confortable pour réduire de façon sensible le bruit dans les basses lumières, avec un viseur d’œil un peu moins rudimentaire et nous ne serons pas loin du Leica du XXIème siècle.

Enfin, j’ai profité du changement d’appareil pour revenir au format du cinémascope : 1/2,35 que j’avais adopté au début. Mais pour brouiller un peu les pistes, certaines images dans ce format sont réalisées avec l’X pan et le merveilleux film Fuji 800 ISO.

Décembre 2008

Voir le texte de juillet 2007